Je parle souvent de vêtements, sur les médias sociaux, ces derniers mois. Je creuse la question de l’apparence, mais j’observe aussi la façon dont les vêtements de différentes époques réagissent à l’épreuve du quotidien. Aujourd’hui, j’ai été faire de la trottinette des neiges avec mon chien en portant un corset de 1780 sous mes vêtements d’hiver. (Pour être précise, il s’agit en fait de ce qu’on appelle en anglais « stays » et qui est distinct du corset car coupé à la taille plutôt que sur les hanches, plus rigide et sans agrafes que le corset traditionnel, ce qui était la norme jusqu’à la fin du 18e siècle.) Je dois dire que je suis rentrée beaucoup moins fatiguée qu’à l’habitude, quand je fais pareille sortie. J’ai l’impression que le corset aide à soutenir les vêtements, en plus de minimiser l’impact du trajet sur le dos. Comme il ne descend pas sur les hanches et ne serre pas non plus les épaules, il ne restreint pas les mouvements. Je dois donc dire que ce test est très concluant, et que je renouvellerai l’expérience.
Je porte les vêtements que je porte pour toutes sortes de raisons, esthétiques et fonctionnelles. Douleurs postopératoires après mes multiples chirurgies par laparotomie qui ne sont jamais parties, et que les jupes évitent d’irriter; kystes aux seins que les corsages compressent, et qui sont ainsi moins douloureux; froid dans ma maison l’hiver, que les jupes en laine freinent, insectes dehors l’été, que mes jupes en lin freinent tout autant… sans parler de la satisfaction coquette que je ressens quand je m’habille. J’y trouve mon plaisir et mon confort.
Cette enquête vestimentaire a quelque chose de très concret, mais également – bien sûr – de très romanesque. Dans le texte sur lequel je travaille présentement, qui s’intitule provisoirement «Peau de Sang» (autrefois, La plumeuse ou La Sauvagine), le conte de Peau d’âne (Perrault) joue un rôle prépondérant. Les vêtements y sont à la fois révélateurs des caractères et tromperies enfilées les unes par-dessus les autres.
Elle défait un à un les boutons qui retiennent son linge. Bientôt, la jupe choit, pesante, à ses chevilles et la plumeuse l’enjambe. Les carcasses d’oies ballent au plafond. Leur livrée est terne à côté des jupons immaculés que la femme échampelle dans sa boutique. Elle porte sous ses guenilles de bouchère tout un pays de broderies, bas-relief tracé ton sur ton sur des canevas de lin blanc.
Peau de sang, Manuscrit.
Cette exploration littéraire – comme toutes celles antérieures – se fait en cohésion avec les choses qui m’occupent hors du livre. Qu’est-ce qui arrive en premier, du texte ou du réel? Je ne le sais pas, mais les deux s’alimentent continuellement. Je suis en train de constituer une collection vestimentaire à la fois extrêmement fonctionnelle et pratique, que je porte tous les jours, mais qui est également l’un des trésors les plus précieux qu’abrite ma Sauvagine – qui en abritent pourtant beaucoup.