Quand j’ai commencé à travailler la linogravure, l’hiver dernier, je souhaitais une chose: imprimer mes propres cartes de Noël. J’aime si fort recevoir et exposer ces cartes envoyées par la poste: j’avais envie de créer une oeuvre qui ferait plaisir aux gens que j’aime, et je souhaitais par-dessus tout fabriquer un objet personnel, qui signale à son destinataire l’affection que je lui porte.
Depuis le mois d’août, donc, j’explore des designs. Au départ, j’étais insécure et je suis partie d’oeuvre réalisée par d’autres personnes pour créer les miennes. Mais les résultats étaient loin d’être à la hauteur de mes espérances. Mon premier design était trop compliqué. Je l’avais dessiné sur ma tablette, grâce à l’application Fresco, qui me permet de zoomer autant que je veux sur l’image. Évidemment, au moment de graver, ces gros plans sur des détails étaient impossibles et le résultat s’est avéré très insatisfaisant.
J’ai trouvé l’impression grossière, un peu enfantine, pas du tout à la hauteur de mes attentes et du temps que j’avais investi dans la création du dessin initial. Je me suis donc lancée dans un deuxième projet, beaucoup plus simple dans ses textures, mais directement calqué sur une œuvre que j’avais trouvé en ligne. Je me suis dit que, puisque je ne vendrais pas mes cartes, ce n’était pas plus grave, mais tout le long que je gravais, ça m’agaçait de penser que le design n’était pas de moi.
Au-delà de la reproduction de l’oeuvre d’un autre, je n’étais pas non plus satisfaite du résultat, qui me semblait encore sans grande finesse, sans.. personnalité.
J’ai donc demandé à mon père de prendre en photo un pin que j’aime beaucoup, à Baie-Saint-Paul. Il m’a envoyé l’arbre sous tous ses angles et j’ai choisi parmi son lot d’images une photo qui pouvait servir de base à mon projet.J’ai modifié la photographie pour en accentuer les contrastes, puis j’ai retracé l’image sur ma plaque de linoléum. Après plusieurs jours de gravure, j’ai pu procéder à une première impression test.
Le résultat m’a enfin semblé plus satisfaisant, et plus personnel, aussi. Mais imprimer simplement cette silhouette sur la carte manquait de mouvement. J’ai donc exploré l’idée d’ajouter un fond enneigé, très, très simple, mais qui avait le potentiel de dynamiser la composition. Ensuite, tout a été une question de couleurs. J’ai documenté les différents tests que je faisais afin de pouvoir les reproduire au moment de l’impression finale.
Après de nombreuses expérimentations, j’ai fini par obtenir un résultat qui me satisfaisait. Je me suis donc lancée dans l’impression de mes cent cartes, et des enveloppes dans lesquelles elles seront glissées. Il ne reste plus, maintenant, qu’à les numéroter et les signer.
J’avais envie de partager avec vous cette progression d’une version à l’autre car je trouve qu’elle illustre bien le processus de création littéraire également. On apprend et évolue en explorant, en acceptant de recommencer, de se tromper de chemin en attendant de trouver le bon. Il n’y a pas de pas perdus. Je suis sincèrement fière de cette carte, cette année, car je sais qu’elle n’est pas seulement un bout de papier, mais le résultat d’un long apprentissage et de beaucoup de travail. Mais je sais aussi que dans quelques années, si je continue à explorer la linogravure, je reviendrai sur cette image avec attendrissement, en y voyant alors tous les défauts, plutôt que les qualités. J’aurai continué de progresser, bien plus vite en prenant des risques et en faisant des erreurs qu’en n’osant rien.
Il ne reste plus qu’à écrire des mots dans ces cartes et à attendre la neige.
Être insatisfait est propre à l’artiste. Le résultat satisfaisant est accessible à quelques-uns, mais le bonheur de l’oeuvre achevée est un privilège qui vous appartient. Alléluia!